« Je serai là dans un quart d’heure, répondit Wood Burke dans un soupir. Tachez de me fournir en café ou je n’arriverai jamais à sortir de ma voiture. »
Il raccrocha violemment en s’extirpant maladroitement de son lit. Etre flic a quelques cotés agréables, mais principalement des inconvénients. Apres tout, dans combien de boulots vous reveille-t’on à 3heures du matin pour vous faire rempiler alors que vous prenez votre première vraie nuit de sommeil depuis 2 jours ? Médecin, peut être, et encore eux au moins, ils étaient payés en conséquences. Non, honnêtement, bosser dans la police, c’est vraiment pas une vie.
C’était les meme pensées qu’il se rabachait depuis au moins quinze ans, à croire qu’elles étaient comprises avec l’insigne et le flingue.  Mais sa séance de raillerie était indispensable au réveil complet de sa triste personne. Pour une fois qu’il arrivait à dormir sans somnifères. A croire qu’on tenait vraiment à lui détruire le cycle du sommeil à tout jamais. Un flic qui ne dort jamais, quel rêve pour le contribuable. Il sourit à cette idée en attrapant son pardessus.  Bah, après tout, peut être que l’affaire serait au moins amusante, depuis quelque temps, les affaires qu’on lui refilait étaient d’un ennui à mourir. Des maris qui tuent leurs femmes. Des femmes qui tuent leurs maris. Des femmes qui tuent leurs maris et la maîtresse. Voire des hommes qui tuent leurs femmes et  la maîtresse.  A croire que coucher avec quelqu’un dans cette fichu ville était une véritable partie de roulette russe.  Non, il avait besoin de plus que ça pour vraiment apprécier son boulot.  Il aimait quand c’était bizarre.  AU moins, ça titillait son intérêt. Et on ne le réveillerait pas en pleine nuit si ce n’était pas un poil important. Alors tant qu’à faire, c’était soit une célébrité, mais alors on le lui aurait dit, soit un crime scabreux comme il les aimait. Apres tout, c’était bien là le seul intérêt dans cette ville pourrie jusqu’à la moelle. Elle était un vivier de malades et de psychopathes qui arrivaient toujours à l’étonner suffisamment pour titiller son instinct de détective. C’était pour ça qu’il aimait ce boulot. Pour la chasse. Alors taïaut. 
Il faisait froid, ce soir. L’automne commençait à partir, et la morsure de l’hiver se faisait de plus en plus pressant.  Il faisait déjà quelques degrés en dessous de zéro alors qu’on n’était que fin novembre. Les portières de sa vielle Pontiac étaient constellées de givre, au point qu’il du la forcer pour ouvrir. Il serait temps qu’il l’emmène à la casse. Ou qu’il la fasse réparer. Ca dépendrait de son humeur à la prochaine panne.  Il savait bien que cette vielle carcasse était un gouffre à fric, mais il l’aimait bien, alors vu ce qu’il faisait de son pognon, de toute façon, il pouvait bien en dépenser un peu pour sa voiture. Et puis, il aimait le ronronnement complètement dépassé qu’on ne retrouvait plus que sur les vieux modèles. Tout le sel de l’expression «  un tigre dans son moteur »  revenait. Enfin, quand elle démarrait.  Ce qui était le cas aujourd’hui. Apparemment, tout se liguait pour qu’il ne retourne pas dans son lit.
Enfin bon. Il aimait conduire la nuit.  Cette ville était tellement reposante une fois vidée de ses nuisibles habitants. Il en aimait le style. Chicago était une de ses villes qui avait une vraie histoire, et pas juste un amoncellement d’aléa. Tout ici lui disait qu’il était chez lui. Et il aimait ça. Dommage qu’il doive la partager avec les autres. Enfin bon, on fait avec ce qu’on a.
Il roula tranquillement jusqu’à Andersonville, un cadavre n’étant pas spécialement remuant, il n’allait pas se dépêcher non plus.  Un des quartiers qu’il aimait le moins. Non pas qu’il soit homophobe spécialement, mais un coin ou il n’arrêtait pas de voir des gens de tous les sexes se palucher dans tous les coins avait le don extraordinaire de le mettre mal à l’aise. Il n’avait pas la réputation d’être un enfant de cœur, mais ce n’était pas vraiment à son goût, tout ça. Et puis, ça sentait trop le neuf, le clinquant. Les gens avaient investis enormement pour faire de ce coin un endroit branché. Boites de nuits, bars fleurissaient ici et la, ce qui faisait que c’était toujours animé. A son grand dam.  
Mais  bon, on n’y pouvait rien, il devait apprendre à se fondre dans la masse.